BOLLYWOOD OU NELKEN LINE DE PINA BAUSCH, TOUS LES GENRES S’APPRENNENT EN LIGNE. UNE FAÇON DE SECOUER L’IMMOBILITÉ.
(le figaro 09/05) ARIANE BAVELIER£@arianebavelier
Nietzche l’écrivait: «Je considère comme gaspillée toute journée où je n’ai pas dansé.»
Les confinés passent aux actes. La danse surgit dans les jours, dans les ordinaires des corps en veille qui soudain se grisent à leur propre mouvement. Une manière de faire danser le monde, de secouer son immobilité. La Toile déborde de séquences. Dans la cuisine, la chambre, sur les balcons, les jardins, voire sur les toits. Les danses de salon se réinventent. Pas le tango ou le chachacha. Bollywood fait son entrée. Une vidéo sur la chaîne YouTube de La Villette, menée rondement par Tushar Malgaonkar de la compagnie Bolly Deewani, explique en quatorze minutes les rudiments de cette danse. Avec les pieds, on pratique le Deeping, qui consiste à passer d’un pied sur l’autre comme trotte un cheval. Avec les mains, la constellation des métaphores est d’une richesse évocatrice des beaux jours. En les plaçant avec un art calculé de la stylisation, les figures dessinent fleurs, petit soleil, grand soleil, zigzag ou namasté. Il n’y a plus qu’à mettre le tout en musique. D’autres apprennent la Nelken Line de Pina Bausch sur le site du Tanztheater de Wupper- tal. Printemps, été, automne, hiver, avec les bras qui se croisent sur la poitrine et les mains qui les frottent pour se réchauffer. On met des amis dans la boucle et on prévoit de sortir comme ça ensemble. On peut aussi envoyer sa vidéo à Wuppertal pour avoir les honneurs du site. « Préparation et spontanéité » Chacun choisit sa danse, mais il reste important de travailler, répéter, se présenter au mieux. Dès le premier jour du confinement, la danseuse et philosophe Nadia Vadori-Gau- thier qui, depuis les attentats du Bataclan, poste chaque jour une minute de danse, a de- mandé aux internautes de lui envoyer leur minute. «J’ai lancé l’appel le 15 mars et je reçois depuis environ 60 participations chaque jour, dit- elle. Il y a très peu de danses de défoulement. Plutôt des danses traversées par les humeurs du jour, danses de solitude ou danses en relation avec ce qui se passe - à la mort de Christophe, j’ai reçu une foule de danses sur ses chansons -, ou ce qui vous tombe sous la main. » Casserole, tasse à café, aspirateur... deviennent les partenaires de ces minutes qui se ré- pondent, se tissent avec la vie courante et explorent les moindres recoins des maisons. «Il y a pas mal de salons, de salles de bains, de douches, quelques cuisines, peu de chambres mais quelques danses dans des lits. Lorsque j’ai posté une danse faite dans un placard, j’ai reçu des vidéos faites dans d’autres placards. Il y a des danses familiales et des danses de couples, des danses d’ados et de personnes âgées. C’est souvent très préparé, même dans la spontanéité, il y a une pensée », poursuit-elle. Les musiques varient à l’avenant, mais Get Misunderstood, du groupe Troublemaker, reste un leitmotiv du confinement. Chaque jour Nadia Vadori-Gauthier passe quatre à six heures à dépouiller ces vidéos et à les mettre sur son site, sa page Facebook ou son Instagram (une minute de danse par jour).« Je sais qu’il y a quelque chose à écrire ou faire avec ce matériel. Les gens sont très généreux dans leurs propositions. Pour la danse, le moment est historique », conclut-elle.
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